(Los Angeles, Californie) Alors que le mariage gay a fait
largement parler de lui aux informations et dans les talk show,
il a été le grand absent des séries télé – jusqu’à présent.
La série de Showtime Queer as Folk s’est lancée dans le débat
lors des deux derniers épisodes de la saison en cours, dans
lesquels Michael et Ben (Hal Sparks et Robert Gant) réfléchissent
sur le mariage se décident à sauter le pas. Mais leur mariage
Canadien joyeux et légal achoppe sur l’interdiction, aux USA,
des mariages entre personnes du même sexe. La scène de l’épisode de dimanche (lundi au Canada) où Ben
fait sa demande est en apparence banale, avec le discours habituellement
utilisé en de telles circonstances, et avec la bague rituelle.
Il est laissé à l’appréciation du téléspectateur de voir cela
comme prometteur ou dérangeant ; ceux qui sont impliqués dans
la série espérant que le public choisisse la première option. « Michael Novotny, tu es celui que j’ai attendu toute ma
vie, » dit le professeur d’université Ben Bruckner. « Je suis
heureux de t’avoir trouvé. C’est pour cela que je te demande
de me faire l’honneur d’accepter ma main. » Michael, un créateur de BD habituellement optimiste, est
perturbé et va se confier à un ami, Brian (Gale Harold). « Ce n’était pas une histoire que je me racontais, comme
le font les gamins hétéros, » dit Michael. « qu’un jour je rencontrerais
la personne idéale, qu’on tomberait amoureux et qu’on ferait
un grand mariage. Pour moi, ça n’a jamais été réel. » Quand le cynique Brian tourne en dérision l’idée que les
gays aient besoin du mariage ou de la bénédiction de la société,
Michael proteste : « Dieu nous a aussi donné le droit d’avoir
tout ce que les hétéros ont. Parce que nous sommes des êtres
humains tout comme eux. » « T’es un auteur. Réécris l’histoire. » répond alors Brian. Les producteurs de la série Ron Cowen et Daniel Lipman ont
à cœur de changer quelque peu l’attitude des gens face
au mariage gay en Amérique, particulièrement aujourd’hui où
les enjeux sont accrus par la proposition d’interdiction constitutionnelle.
Ils ont créé l’histoire de l’épisode de dimanche (avec Shawn
Postoff, co-auteur du script) et écrit l’épisode final dans
lequel Michael se pose des questions déchirantes sur le sens
et la validité de son mariage canadien, non reconnu aux Etats-Unis. Stephen Macias, directeur national des médias et divertissements
de la GLAAD (Alliance gay et lesbienne contre la diffamation),
a vu ces épisodes en avant-première. « J’ai trouvé qu’ils ont très bien traité le sujet, d’une
façon qui permet aux gens de s’identifier, qu’ils soient hétéros
ou gays. » dit Macias. « Queer as Folk » a toujours bousculé
les tabous, et ils continuent dans leur voie. » « La façon
bien établie dont Michael voit le mariage comme une chose inaccessible
reflète l’attitude des gays dans la réalité, » dit Lipman. Mais
cela est en train de changer grâce à des développements explosifs
comme la loi votée par la cour du Massachusetts, autorisant
le mariage gay. « Soudain quelqu’un dit ‘Oui, cela pourrait
faire partie de votre histoire’… C’est une chose vraiment cruciale
pour les gays. » dit Lipman. Cowen ajoute « Tous ces grands
débats sociaux, religieux et politiques n’ont pour origine que
deux personnes désirant se marier. Je n’arrive pas à comprendre
comment deux personnes désirant se marier, voulant dire ‘Je
le veux’ peuvent représenter une menace pour un pays. » Cowen et Lipman, partenaires dans la vie comme au travail
depuis longtemps, ont déjà changé l’attitude de la société auparavant,
principalement en 1985 avec l’audacieux téléfilm sur le SIDA
: « An Early Frost ». La liberté créative qu’une chaîne câblée payante comme Showtime
laisse au couple pour écrire sur l’homosexualité et les problèmes
épineux comme le mariage gay n’existait pas à l’époque. Ils ont donc dû faire face à l’appréhension et à la frilosité
des chaînes de télévision vis-à-vis de ce film, dans lequel
Aidan Quinn jouait un jeune homme révélant sa maladie et son
homosexualité à sa famille et à ses amis. NBC « nous a fait
faire environ quatorze versions de ce script. Il a fallu un
an et demi pour que le film soit diffusé, et personne ne pensait
qu’il sortirait un jour. » dit Cowen, reconnaissant envers la
chaîne qui l’a diffusé. Il se rappelle parfaitement des négociations
avec le Département de la Surveillance Audiovisuelle de NBC
à propos du script, ce qui montre à quel point la télévision,
voire l’attitude des gens, a changé. Dans une scène, le personnage de Quinn amenait son petit
ami chez lui pour le présenter à sa grand-mère, jouée par l’actrice
chevronnée Silvia Sidney. « J’aime bien ton ami » étaient les
mots que la grand-mère devait dire. « La chaîne a demandé à
ce que cette réplique disparaisse, » raconte Cowen. « On a dit
: ‘Qu’est ce qui cloche avec cette réplique ?’ » La réponse
de NBC a été : « Elle est la matriarche de la famille, et ce
qu’elle dit encourage à l’homosexualité. » Il y a eu d’autres
objections à propos d’une scène où le personnage de Sidney devait
embrasser son petit-fils ; la chaîne a eu peur que cela n’incite
à un comportement qui pourrait répandre le SIDA. « Alors nous
avons contacté le Centre chargé du Contrôle des Maladies à Atlanta
et ils ont dit qu’il était très important que les gens voient
cette scène, car le Sida ne peut être transmis de cette façon.
» dit Cowen. Sidney elle-même a dû s’impliquer. « J’embrasse le gamin
ou je m’en vais », a-t-elle dit à la chaîne. Sous le poids des
preuves médicales, NBC a accepté. Bizarrement, la chaîne n’avait pas l’air dérangée par le
personnage frappé par le SIDA, qui était pourtant très exubérant,
et dont les propos étaient facilement outrageants. « Quand on leur a demandé pourquoi, les officiels de la chaîne
se sont expliqués par des propos encore plus outrageants, »
explique Cowen. « Ils ont dit : ‘Ca va pour lui parce qu’il
est en train de mourir.’ » Malgré ces précautions et une édulcoration des dialogues
comme principe de base, le duo a réussi à écrire un film important
qui a fait son effet. Bien qu’une série passant sur le câble touche moins de gens
qu’une série passant sur le réseau hertzien, Cowen et Lipman
pensent que QaF peut influencer le débat. Macias, du GLAAD, nous fait remarquer qu’une série qui se
préparait à aborder le sujet du mariage gay sur une chaîne non
câblée a été annulée. (« It’s all Relative » sur ABC) « Il est peu probable que le sujet soit abordé dans une autre
série : aucune ne traite avec permanence des relations de couples
gays » nous a-t-il dit.
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