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Version US vs. Version UK
par Yarlung

Peut on apprécier  deux versions d’une même création  surtout quand l’orignal et la copie sont aussi dissemblables ?  J’aime les deux versions pour des raisons très différentes, et même des raisons opposées.
Je ne les ai jamais regardées comme des ersatz de télé-réalité,  des productions missionnées pour retranscrire les multiples réalités de la communauté gay. Certes Queer as Folk a changé la forme de la représentation des homosexuels à la télévision, autant dire auprès du grand public.  Mais il serait injuste de réduire cette double création à  la transcription fidèle d’une certaine réalité. Dans les deux cas, il s’agit de créations originales qui combinent une narration particulière et des personnages très différents.
Peut-on pousser ces différences jusqu’à évoquer appréhensions européennes et américaines ? Sûrement.

La série anglaise, l’originale, est  âpre. C’est la satire sociale d’une Angleterre morose. Stuart, le héros principal, est l’exception d’un milieu modeste. Il est cynique, cinglant, et flirte avec les  limites de la société. Qu’il s’agisse de faire exploser une voiture, de défoncer la vitrine d’un magasin, de conduire à la limite extrême de l’accident, ou de séduire un adolescent de 15 ans : il assume les risques avec une désinvolture de dandy. Stuart est un Dorian Gray sans portrait.
Son attrait  vient de l’intégrité de sa personnalité, son magnétisme est la marque de son caractère transgressif. C’est un provocateur. Quel que soit son courage ou son intégrité, sa fragilité et ses sentiments, il demeure un personnage  déroutant. La scène finale, où Vince et lui se retrouvent aux États-Unis, enfin amoureux déclarés et assumés, montre qu’il n’a rien perdu de sa pugnacité. Bien au contraire, c’est lui qui entraîne Vince dans son mode de vie paradoxal et aguichant. Son registre l’apparente à l’éternel insoumis, pirate ou rebelle. Vince, son alter ego,  ne peut que subir le charme de cette fixation.  Leur couple fonctionne sur le jeu des contraires, avec une constante dans l’humour.  Vince est fan d’une ineptie enfantine « Doctor Who » et arrive à faire réciter à Stuart la liste des acteurs qui ont joué dans la série.  Il faut avoir regardé « Doctor Who » pour  goûter le sel  de cette déclaration d’amour détournée. Faire de Vince un fan de « Doctor Who » était un trait de génie, y entraîner Stuart par solidarité amoureuse était encore plus savoureux et décalé.

Nathan l’adolescent qui se croit amoureux de Stuart. Il n’est que  le révélateur de l’amour entre Vince et Stuart. 15 ans, l’âge de Nathan est aussi l’âge de l’amitié amoureuse entre les deux jeunes hommes. 15 années d’amitié amoureuse qui ne réussit pas sa transmutation en amour.  Le temps qui passe est donc une deuxième et très importante thématique, Vince et Stuart quittent ensemble leur première jeunesse, il leur reste peu de temps pour vivre la réalisation de leur amour d’adolescence dans ce qu’il leur reste de vraie jeunesse.
Une dimension mélancolique adoucie par l’humour des situations « tu me gardais pour quand tu serais vieux». Cette petite phrase de Vince  gâche la nuit parfaite qu’ils pourraient avoir dans la suite d’un manoir, avec la bénédiction d’Hazel, la mère de Vince. Le rappel de la réalité tue le moment. Le départ de Vince et de Stuart se fera d’ailleurs sur le mode onirique avec une voiture qui décolle. Faute de pouvoir continuer la série ou volonté première, la  narration très réaliste finit dans la fantaisie.  Vince et Stuart décollent pour exister ensemble.

Le miroir américain de Stuart, c’est Brian.  Dès le premier épisode, la trame est entièrement différente, même si les premiers épisodes sont clonés sur le modèle anglais. Le monde de la version américaine est organisé selon le schéma de toutes, ou presque, les séries U.S : famille, amis, amours et réunions autour de la nourriture. Même au Babylon,  centre de gravitation des plaisirs et des liens sociaux, le groupe d’amis devise  autour du bar. Idem au «Dîner», où Debbie incarne l’image de l’éternelle serveuse américaine, jusque dans son physique qui rappelle la célèbre pochette de Supertramp «Breakfast in America» !
Brian n’a que peu de points communs avec son modèle.  Son amoralité est très surfaite, il n’est ni vraiment misanthrope ni sincèrement méprisant. Dans le fond du fond, il se pourrait même qu’il soit bon et généreux mais sa capacité d’amour a été fusillée dans son enfance.  Pourtant il ne s’adressera jamais à sa mère avec la brutalité de Stuart envers la sienne.  Même dans l’affaire du petit neveu, qui est en parallèle avec la série anglaise, Brian est plus suave dans sa réaction que ne l’est Stuart avec sa fameuse tirade sur sa condition de gay. Brian est un bon fils comme c’est un bon « meilleur ami », ses incartades aux principes moraux de base sont vite effacées : il se rattrape en fin de course...
Sa réussite est une longue lutte : il a travaillé dur pour devenir ce qu’il est, son personnage est l’incarnation de sa volonté. La désinvolture et la provocation masquent cette détermination épuisante d’être le premier, ses sarcasmes planquent sa sensibilité. Brian comme Stuart existe à la lisière des limites permises par la société. Mais la marge de manœuvre de Brian est largement plus en deçà des franchissements de Stuart. Pour le public américain, la réussite de Brian est acceptable, Brian est acceptable tout court, alors que Stuart n’a rien d’acceptable, Pour preuve même quand sa noirceur semble réelle, Michael, et Lindsay ne le jugent jamais complètement égoïste ou méchant, ou alors pas pour longtemps. Par constance à son  groupe social (les gays), à ses amitiés, à une morale puritaine qui existe encore bel et bien, Brian ne va jamais jusqu’au bout de ses ombres. Il sauvera le monde gay, il sera le Rage dessiné par Justin.... Les exploits de Stuart ne seront dessinés que par son orgueil, son sens de l’équité tranchant comme un rasoir.
Brian a une bonne raison pour être  aussi ambigu  face au bien et au mal : dès les premiers épisodes, il est confronté à une passion romantique et sombre pour Justin. Au contraire de Stuart et de Nathan qui représente l’attraction superficielle d’un jeune gay pour son modèle et mentor, l’attraction de Brian pour Justin est essentiellement et absolument  romantique.
C’est par ce biais que les deux séries divergent pour ne plus se croiser jamais. Le Queer as Folk américain est romantique à souhait. Mieux, c’est une adaptation contemporaine du romantisme sombre le plus passionné, le plus littéraire dans ses références. Lautréamont, Edgar Poe, Nerval : cet amour là ne s’embarrasse pas de roses faciles, ce sont des roses noires qui le définissent.

Dire que Brian et Justin pourraient vivre entre les pages des livres des sœurs Brontë  n’est pas une simple plaisanterie. Même si les scènes entre eux sont les plus érotiques, la particularité de leur relation est d’être articulée sur un mode qui n’avait jamais, a ma connaissance, été exploré dans une relation homosexuelle.
Brian et Justin sont largement plus romantiques qu’Alec et Maurice de Forster, pour citer un couple déjà bien archétypal. Le plus surprenant, c’est que la version américaine qui se voulait plus provocatrice, et qui l’est par de très nombreux côtés, donne à l’imagerie homosexuelle un archétype qui ne leur était pas accessible : celui qui lie serrées les passions des corps et des âmes. Tristan et Iseult sur fond de techno. Le bal de promo de la saison un, c’est Cendrillon qui rencontre son Prince et qui frôle la mort quelques minutes plus tard : le mélange des deux éléments est représentatif de toute la narration entre Brian et Justin  quand on y regarde de près. Le bal et la mort : le cœur du ballet romantique revisité dans le contexte d’un coming out.
Il a fallu le talent de CowLip doublés des talents de Randy Harrison et de Gale Harold pour réussir ce tour de force qui a subjugué les spectateurs.
Entre Brian et Justin, il n’est question que de blessures et d’extases ; à mille lieues des autres personnages qui les entourent, et qui sont autant de repères dans la narration classique des séries américaines, depuis «Happy Days» jusqu’à «Friends». Bien sûr, la longueur de la série demandait des personnages plus fouillés que l’original britannique, mais le cercle d’amis qui évolue sur Liberty Avenue sont tous très platement présentables.

Pire, à mon sens, ils ne peuvent s’empêcher  de reformer un schéma familial : famille recomposée et rassurante à l’excès. «We are family» répète Debbie qui, elle, reprend sans état d’âme l’archétype de la mère nourricière, jusqu’à la caricature. Mais jamais elle n’atteint l’impertinence déjantée de Hazel. Vic est une ombre doucereuse alors que Bernard est un vieil homo à la une verve et à la malice rares, Emmett est un modèle de stabilité par rapport à Alexander et Ted, avec tous ses malheurs, n’aura jamais le tragique, court (et pour cause !) mais intensément bien défini de Phil. La relation de Stuart et de Romey ne repose que sur une fécondation technique, alors que Brian et Lindsay ne peuvent avoir conçu un enfant sans qu’une vieille histoire (mal terminée pour Lindsay) ne les ait un temps lié.  Une dissemblance qui, pour peu qu’on s’y arrête, synthétise toutes ces différences entre les libertés de la production anglaise et de son infidèle copie américaine.

L’esprit britannique campe sur certaines traditions mais adore la transgression.  Cette dualité est le ferment d’une création multiforme.  L’esprit américain n’a pas cette souplesse, du moins  dans une production grand public.
Reste que les repreneurs créateurs américains CowLip ont réussi à créer une esthétique, une thématique pour chaque saison, voire pour chaque épisode, avec un soin dans les couleurs, une inventivité dans la narration, le choix des musiques et dans la manière de filmer qui compensent la convention des personnages gravitant autour du couple de Brian et Justin. Car un personnage gay peut être tout autant conventionnel qu’un autre hétéro, le fait que ce soit de jeunes hommes avec une vie sexuelle active ne les préserve pas d'une assommante banalité. Sans oublier les questions au ras du quotidien qui sont autant de boulets alourdissant l’histoire. Mais il s’agit d’une appréciation toute personnelle, je sais que le succès même de la série est fondé sur la pertinence de son réalisme, tout est question de goût et d’équilibre.

Aussi je dirais que je regarde avec bonheur ces deux séries que je les aime précisément pour leur  attrait contraire. Et ce double attrait m’a toujours fait oublier certains des détails que j’apprécie moins.  Brian et Justin restant de loin les personnages que je préfère pour leurs aspects intemporel s et contemporains mêlés.

Yarlung



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