Gale Harold a peur de faire son coming-out... en tant qu’hétérosexuel.
Cette beauté ravageuse de 31 ans incarne Brian Kinney, un démon
qui fume et qui pratique le sexe à haute dose, à raison de cinq
hommes par semaine dans le sitcom gay hyper réaliste de Showtime
« Queer as Folk ». Depuis le début de la diffusion, Harold a
offert à des millions de gays (et de femmes) affamés un délicieux
aperçu de toute son anatomie, du scrotum jusqu’à ses lèvres
pulpeuses. Il s’est fait tailler des pipes dans un night-club,
a dépucelé un mineur de 17 ans et fourré sa langue dans des
dizaines de bouches masculines, au cours de scènes homosexuelles
d‘une crudité jamais encore vue à la télévision (« Shaving Ryan‘s
Private » mis à part). Donc, la première question que je lui
ai posée lorsque nous nous sommes rencontrés par un après-midi
frisquet, dans un pittoresque bar à vins du West Village, était
naturellement : « Homo, ou hétéro ? » . Il a mordu dans son
panini au fromage de chèvre et a pointé du doigt mon magnétophone,
en me demandant de l’éteindre. Il y a eu un grand silence. Il
a tourné la tête, posé ses boots marron à bouts carrés sur le
rebord de la fenêtre, et s’est abîmé dans une profonde réflexion.
«Je ne sais pas comment répondre à cette question. La plupart
des hommes gays avec qui je travaille sont persuadés que je
suis hétéro, donc... » Un autre silence. Il a avalé lentement une gorgée de Merlot
et a enfin continué : - C’est marrant... Vraiment... Avoir à répondre à ce type
de question est vraiment hilarant." - Mais vous n’avez pas répondu ! ai-je dit.
Encore un silence, puis : - Je suis hétéro. Je fais cette révélation à contrecoeur.
Peut-être simplement parce que je me demandais à quel magazine
j’allais le révéler », a-t-il avoué finalement, comme
si le fait d’être hétérosexuel était un crime. Il est aussi célibataire.
Harold est le type mâle de chez mâle. Il porte un Levi’s
noir, un bonnet en laine tricotée avec un motif en forme de
cobra, un pull noir à encolure en V, un large bracelet en cuir
noir et un tatouage provocant à l’intérieur du majeur
qui dit : « Résiste » Il refuse de commenter le message. « Ne
me parlez-pas de ça. » En revanche, Harold parle avec amour de son pick-up. ("J’ai
enfin pu me le payer », dit-il). Avant son apparition fracassante
sur le câble, il a passé trois ans à faire de curieux jobs,
maçon et charpentier à Los Angeles. Il a fréquenté l’Université
Américaine grâce à une bourse de football pendant un an et demi.
Il a une véritable passion pour les motos italiennes. Et peut-être
est-ce parce qu’il a fumé un joint, comme il me l’a avoué juste
avant l’interview, ou son origine méridionale - c‘est un bon
petit gars d’Atlanta - mais son attitude nonchalante,
calme, reposante, me fait penser à Matthew McConaughey.
Il tire une bouffée d’American Spirit tout en méditant, à
mon expresse demande, sur la différence qu’il y a entre embrasser
un homme et une femme. « Embrasser un homme... est plus bestial.
Il y a un quelque chose de primaire chez les hommes, que vous
ressentez à la seconde où vous commencez à les embrasser. C’est
beaucoup plus viscéral que d’embrasser une femme. Les femmes
prennent tout leur temps. C’est plus ludique. Il n’y a pas chez
elle un urgent besoin de vous sauter aux couilles. Et embrasser
des hommes m’a mieux fait apprécier les baisers des femmes.
Les hommes, même rasés de près, ont une peau rugueuse. Certains
m’ont laissé de sacrées brûlures sur le visage."
Alors que la plupart des hommes hétéros continueraient en
disant combien il est difficile de flirter avec des mecs, des
mecs et encore des mecs, même si c’est pour l’amour de l’art,
Harold affiche une attitude très « bof ! » à ce propos. "Au
début, le fait que la série parle d’homosexuels semblait extraordinaire.
Mais maintenant, je pense que ça ne l’est plus. C’est juste
une comédie dramatique sur des gens qui vivent aux Etats-Unis.
C’est une tranche de vie. Je joue un personnage - c’est tout.
Mais je connaissais très bien le style de vie des gays avant
de tourner la série. Je me suis souvent fait draguer par des
gays qui voulaient me convertir, et beaucoup de mes héros sont
gays. William Burroughs. Lou Reed. Euh, je crois que Lou Reed
est bi. Je veux dire que nous sommes en 2002, et la vie des
gays ne choque plus."
Mais... Il y a tout de même quelquefois des débordements
gênants sur le plateau, de la part de ceux qui environnent la
nouvelle attraction homo- télévisuelle. « Quelle merde c’est
! Par exemple, je traverse le plateau tranquillement, en mangeant
un beignet, et je suis aussitôt entouré par trente mecs gays
qui me serrent de près. C’est de la pure hystérie. », dit-il,
ajoutant qu’il s’en fiche d’être traité comme un objet sexuel
à l‘écran. (Dans une scène, Harold se déshabille entièrement,
se renverse de l’eau sur la tête et demande à un jeune garçon
beau comme un dieu s’il veut venir ou s’en aller... ou venir
et puis s’en aller... ou venir et rester.)
"Je pense que c’est une bonne chose que les hommes soient
traités comme des objets sexuels à l’écran, parce que depuis
toujours, les femmes l’ont été. Nous avons renversé la tendance,
parce qu’il y avait depuis longtemps une inégalité sur ce plan
à la télé et dans les films. Un autre bon côté de la série est
qu’elle montre la sensualité masculine. Il n’y a pas que du
sexe, rien que du sexe », disserte-t-il.
Il a raison. La série ne parle pas que de sexe. Elle parle
aussi de sexe... buccal, ce qui nous rend heureux comme un
«folk».
Credits Photography: Tony Duran for Art Mix The Agency, LA
Styling: Randy Smith for Art Mix The Agency, LA
Grooming: Steve Daviault for Link, NY Film: Kodak
Picture on stairs: Shirt and tie by D&G Dolce & Gabbana
Picture underneath TV: Jeans by Helmut Lang, Belt by Leather
Rose, NY Picture on matress: Vest and jeans by Helmut Lang
|